J'aime pas ma petite soeur

Avec le soutien financier de la ville d'Aix en Provence et le Conseil Départemental des Bouches du Rhône. En partenariat avec la ville de Pertuis et la ville de Fuveau.
Sébastien Joanniez écrit un livre qui en fait deux intimement liés, un livre à deux entrées, un objet qui se retourne. Tour à tour, sous la forme de deux monologues, il donne la parole à la grande et à la petite. "J'aime pas ma petite soeur" raconte la rivalité entre deux soeurs qui parlent l'une de l'autre. Deux points de vue et des griefs qui se font écho, deux langue très différentes, dessinant en creux, les portraits de deux personnalités. La grande est investie de son rôle d'aînée, et ce n'est pas toujours facile. Que ce soit à la maison, à la plage, dans les magasins, les injustices se multiplient. Mais cette fois-ci, cela suffit. La petite veut être la grande. Elle veut être prise au sérieux, elle est rebelle, frondeuse, elle fait son CINEMA. Elle joue de son âge en voulant prendre la place de sa soeur.
Le ton est celui de la rumination enfantine dans la langue des quatre/sept ans. Des phrases courtes, juxtaposées, des cris du coeur. La sincérité et la naïveté rythmées par les leitmotivs des récriminations entrouvrent un univers poétique inattendu. Un texte transgressif qui ose dire la rage, la jalousie entre soeurs et aussi l'amour. "Je sais que c'est mal mais c'est plus fort que moi". C'est un texte libérateur et positif.
L'un des thèmes que je tenais à traiter dans ce triptyque était celui de la fratrie, du rapport entre frêres et soeurs, de la place dans la famille. Les thématiques abordées dans "J'aime pas ma petite soeur" : la jalousie, la rivalité, la demande aux parents de reconnaissance et d'amour, la demande d'équité, la culpabilité, les différentes postures endossées par les uns et les autres, sont autant de sujets qui m'intéressent.
J'ai tout de suite adhéré au contenu, à la forme et à l'écriture de ce texte. Ce qui fait l'originalité de ces deux monologues, c'est d'avoir le point de vue des enfants. Nous entrons, tour à tour, dans la tête et les scénarii imaginaires de la grande et de la petite. Les mots sont crus, les phrases courtes, juxtaposées. L'aînée éclate : "Je n'aime pas ma petite soeur. Je sais que c'est mal, mais c'est plus fort que moi". La cadette tente de s'imposer : "Je veux être la grande ! Quand je serai grande, je serai pas comme ma soeur". C'est sans concession, brutal, frontal. Voilà c'est dit.
Et je trouve que c'est intéressant que cela s'exprime sur un plateau, dans un mode artistique. L'acte théâtral permet de passer de la récrimination intérieure à la parole. Les mots sont prononcés, adressés, ils s'envolent. Ils trouvent un écho dans le public. Faire le choix de monter ce texte au théâtre, c'est aussi avoir la conviction que la parole libère, dénoue et offre du partage. Comment peut-on s'opposer à la jalousie ? Ou plutôt jusqu'où peut-on la nier ? La jalousie n'est-elle pas un sentiment naturel qui a besoin de s'énoncer ? Il y a dans ce texte une libération certaine qui s'opère, les mots traduisent les maux.
Adaptation du texte
J'ai fait le choix de mettre les deux comédiennes sur le plateau du début à la fin du spectacle. Chacune rumine dans son coin. Elles ne s'entendent pas, la communication est rompue. Je suis sortie du monologue et ai expérimenté des croisements, des alternances de texte, du tissage de parole. Mon objectif n'a pas été d'obtenir un dialogue entre les deux soeurs, mais de mettre en place de "l'écho rapproché".
La scénographie
La pièce questionne les notions de place et de limite. La place de chacun dans la famille. Faire de la place, prendre la place de, laisser la place, défendre sa place, céder, partager ...
Au commencement un plateau avec deux fauteuils similaires mais de couleurs différentes. Les fauteuils sont d'abord côte à côte, puis se sépare. La grande et la petite entrent en conflit. Il leur faut construire leur espace chambre qu'elles partagent. Dans chacune des chambres, des objets choisis personnaliseront l'univers de chacune.
Ensuite Marc Anquetil a imaginé des structures mobiles qui permettent de créer des espaces. Le décor joue avec les tailles, des échelles de mesure. Les pans sont habillés de papier de soie transparent. Nous pouvons ainsi joué avec le craquement du papier, la déchirure, les jeux d'ombres et les reliefs.
La presse
La Cie Senna'ga signe une pièce emplie d'émotion
"La guerre fratricide fait rage. Sur les plaches du théâtre, deux soeurs, s'affrontent. Entre colère de la grande, machinations pour aller vivre chez une copine et espiègleries sournoises de la petite, les spectateurs cheminent au travers de cette rivalité pour gagner l'affection des parents.
On rit, on se prend à se sentir à la place de l'une ou de l'autre ... C'est vivant, dynamique, plein de fraicheur enfantine. On a le coeur qui pince aussi parfois. On ne s'ennue pas cinq minutes .."
La Provence Sud Luberon - mercredi 12 avril 2017
Crédit photo: Agnès Maury. Association les films du papillon.